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A Taïwan, la « désinisation » des programmes scolaires fait débat

Alors que Taïwan s’apprête, le 13 janvier, à élire un nouveau président et un nouveau Parlement, la République de Chine – l’autre nom de l’île souveraine – s’interroge sur la place à accorder à la littérature classique et à l’histoire chinoises dans les programmes d’enseignement. En qualifiant publiquement, le 4 décembre, de « crime » la diminution du nombre de textes chinois étudiés, Ou Kui-chih, professeure au très prestigieux premier lycée de filles de Taipei, savait qu’elle lançait un pavé dans la mare.
La réforme de l’enseignement a beau remonter à 2019, la « désinisation » des programmes reste un sujet hautement sensible, surtout en période électorale. Pékin, qui estime que Taïwan est l’une de ses provinces, n’a d’ailleurs pas manqué de l’exploiter. « Alors que le DPP [le Parti démocrate progressiste, actuellement au pouvoir] essaie de pousser son schéma sécessionniste, il n’en demeure pas moins que les compatriotes de Taïwan sont des descendants de la nation chinoise, avec l’héritage culturel chinois dans leurs gènes », a écrit le quotidien chinois Global Times le 12 décembre, en se félicitant de la prise de position de Mme Ou.
Le ministère taïwanais de l’éducation a eu beau rappeler que l’enseignement des classiques chinois n’était pas supprimé mais avait été simplement réduit, rien n’y a fait. Les trois candidats à la présidence ont dû s’exprimer sur le sujet. Lai Ching-te, l’actuel vice-président, candidat du DPP qui fait la course en tête, a fait remarquer que les quinze textes classiques chinois encore inscrits au programme ne constituent qu’une « référence » et que des « ajustements » sont toujours possibles. Son principal challenger, Hou Yu-ih, candidat du Kouomintang, le vieux parti nationaliste qui prône une politique conciliante avec Pékin, a promis une grande conférence nationale sur les programmes scolaires. Le troisième candidat, Ko Wen-je, président du Parti populaire taïwanais, s’est déclaré opposé à la « désinisation ».
L’enseignement de l’histoire est un sujet sensible depuis la démocratisation de Taïwan, dans les années 1990. En 2015, les étudiants avaient protesté contre une réforme menée en catimini par le Kouomintang alors au pouvoir et qu’ils jugeaient trop proche de Pékin. L’un d’eux s’était même donné la mort. Elue en 2016, Tsai Ing-wen, présidente du DPP, qui a adopté une ligne plus ferme face à Pékin, a mis trois ans pour réformer l’enseignement.
La réforme globale accorde moins d’importance aux enseignements imposés et davantage aux options choisies par les élèves, tout en resituant Taïwan dans une autre perspective que chinoise. « L’histoire de la Chine continue d’être étudiée, y compris à travers les classiques de sa littérature, mais elle est devenue un objet historique. On ne dit plus que c’est l’histoire de notre pays. L’histoire de Taïwan est indissociable de celle de l’Asie de l’Est et ne peut pas être vue qu’à travers la seule perspective chinoise », explique Mau-kuei Chang, sociologue, l’un des universitaires qui a piloté la réforme. Pour lui, celle-ci est surtout pragmatique. « La stratégie visant à simplifier ce qui est ancien et à mettre davantage l’accent sur l’histoire contemporaine implique inévitablement de réduire les contenus qui concernent l’histoire de la Chine », justifie-t-il.
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